Face au diktat de la pandémie : le numérique égalitaire ?

Face au diktat de la pandémie : le numérique égalitaire ?

Ce texte intégral, rédigé par Dr. Hadi Saba Ayon, est le prolongement de son intervention dans la Séance d’échanges « L’invisibilité des personnes en situation de handicap dans le contexte de la Covid-19 », organisée par le Réseau international sur le processus de production du handicap (RIPPH), le 29 avril 2020.

Le numérique peut-il nous sauver en temps de pandémie – et plus tard en ère post-pandémique ? Comment devrions-nous penser nos actions individuelles et collectives dans ce « lieu des liens » (Merzeau, 2013)[1] caractérisé par une traçabilité inscrite dans une dimension computationnelle ? Une fois de plus, nous nous trouvons nez à nez avec le numérique, interrogeant son aptitude à trouver des réponses à nos incertitudes. Serait-il un « nouveau processus civilisateur » (Doueihi, 2018)[2] ? Pourrait-il le devenir face à un processus de « décivilisation » déclenché par le SARS-CoV-2 ?

La mort de milliers de personnes dans le monde ; les témoignages sur l’abandon de personnes vulnérables touchées par la COVID-19 tels que rapportés par des familles et des organismes défendant et/ou s’occupant de personnes en situation de handicap dans le monde[3] ; le triage des patients pour les admissions en réanimation[4]… tant des chiffres et d’histoires nous confrontent à des « processus d’humiliation » (Smith, 2001)[5] dont sont victimes les populations vulnérables et notamment celle en situation de handicap.

Culture numérique et animalité fondamentale

Fascinés par la technologie et ses promesses d’un avenir meilleur pour nos sociétés, nous étions épris par le numérique que Milad Doueihi, historien des religions et titulaire de la Chaire d’humanisme numérique à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris-IV), a nommé « un nouveau processus civilisateur », empruntant le terme au sociologue allemand Norbert Elias. Ce que Elias appelle « le procès de civilisation » est en fait une correspondance entre le processus historique de mainmise sur le pouvoir par un État centralisé et l’autocontrôle exercé, par les individus, sur leur violence spontanée, leurs instincts et leurs affects. Elias décrivait les humains (des sociétés européennes) du vingtième siècle comme des « barbares tardifs » ou des « barbares modernes » (late barbarians). Ces derniers ont été décrits par Doueihi comme étant des « sauvages modernes » soumis à un « humanisme numérique » :

Le résultat d’une convergence entre notre héritage culturel complexe et une technique devenue un lieu de sociabilité sans précédent.

Pour Doueihi, le numérique est une culture :

« dans le sens où elle met en place un nouveau contexte, à l’échelle mondiale, et parce que le numérique, malgré une forte composante technique qu’il faut toujours interroger et sans cesse surveiller (car elle est l’agent d’une volonté économique), est devenu une civilisation qui se distingue par la manière dont elle modifie nos regards sur les objets, les relations et les valeurs, et qui se caractérise par les nouvelles perspectives qu’elle introduit dans le champ de l’activité humaine ».

Brutalement, le SARS-CoV-2 envahit notre monde et nous renvoie à notre animalité fondamentale. Stéphane Audoin-Rouzeau, historien de la Première Guerre Mondiale, écrit :

« Nous restons des homo-sapiens appartenant au monde animal, attaquables par des maladies contre lesquelles les moyens de lutte demeurent rustiques en regard de notre puissance technologique supposée ».

Sommes-nous face à un processus de « décivilisation » déclenché par le SARS-CoV-2 ? Qu’est-ce qui est susceptible d’entraîner un tel bouleversement ? Pouvons-nous trouver des réponses « du côté de l’abaissement de la calculabilité des risques sociaux, de l’accroissement des dangers, de la montée des incertitudes, qui peut survenir en période de crise sociale », épidémique ou pandémique ? Difficile d’y répondre encore.

Accablée par sa différence corporelle ou fonctionnelle ou comportementale tout au long de sa vie, la personne en situation de handicap se trouve dans le numérique, en période pandémique, à égalité avec les internautes. Le corps est au cœur de l’interaction sociale : on vit et on se construit à travers son corps. Mais à l’heure actuelle, cette interaction sociale (corporelle) – est fortement limitée – Covid-19 oblige. Ce corps devient suspect dans l’espace public et même privé. Il est contrôlé, jugé. Il est souvent mis à l’écart, abandonné, parfois même expulsé. Le Sars-Cov-2, comme le Sida, bouleverse le rapport à autrui, brouille les règles qui fondent la confiance, et renforce la contrainte vis-à-vis de l’agent contaminent. Pour l’anthropologue Françoise Héritier, les solutions trouvées par l’humanité à l’égard des problèmes comme le Sida, sont passées plutôt par la contrainte que par la nécessité de convaincre.

Cela peut paraitre désespérant parce que les contraintes de base vont plutôt du côté de l’intolérance que de la tolérance, mais l’expérience que l’on a de la maladie contagieuse inguérissable ou de la maladie épidémique meurtrière, montre que les différentes sociétés s’en protègent par la fuite parfois, mais généralement plutôt par la mise à l’écart, par l’abandon, l’expulsion ou la mise à la mort de l’agent contaminant.

Le corps de la personne en situation de handicap, un point de stigmatisation sociale, devient soudain égal aux autres corps. Ce qui compte (fait peur) c’est la présence d’un corps, n’importe lequel, à une distance suffisamment éloignée pour être perçue comme sécurisante (au moins un mètre). C’est ainsi que tous les corps deviennent égaux vis-à-vis de la peur, de la maladie, et de la mort.    

Face à cette crise universelle effrayante qui agite nos vies et perturbe nos habitudes, l’humanité trouve dans le numérique une voie vers la continuité de l’organisation et le fonctionnement de ses sociétés. S’informer, communiquer, télétravailler, étudier, faire ses courses, gérer ses affaires administratives : plus que jamais, le numérique se montre comme un environnement où est inscrit le processus social. Devant la contrainte de la distanciation physique, les individus se trouvent obligés dans leurs interactions d’abandonner ou de diminuer leurs relations présentielles face au risque d’être infectés ou de contaminer autrui. Le corps devient suspect. Avec son retrait de l’espace public, il arrache de l’interaction sociale son « symbolisme » au sens Meadien (de George Herbert Mead), dans la mesure où l’interaction symbolique engage un processus d’interprétation et de définition par lesquelles les uns établissent les significations des actions des autres et redéfinissent leurs actes. Se nichant dans les environnements numériques, toute interaction produit des traces. À majorité involontaires, ces dernières échappent à toute énonciation et produisent de l’information sur nos comportements. Selon Louise Merzeau (2013), ces traces résistent aux interprétations de la sémiologie car elles relèvent d’une autre logique. Tout en elles est produit d’un traitement : « traitement informatique des instructions, traitement algorithmique des données, traitement économique et stratégique des bases d’intentions ». Aujourd’hui les entreprises numériques tendent à imposer la logique marketing à travers le modèle du personal branding, du profilage et de l’e-réputation. « Opposer à cette acception publicitaire une fonction publicatoire des traces représente un enjeu politique et culturel majeur » (Merzeau, 2013).

Rappelons qu’Internet est une opportunité pour la démocratie, grâce aux fondements égalitaires qui ont présidé à sa naissance et à son développement (Cardon, 2010) . Pourtant des communautés usagères se trouvent encore en difficultés face à l’accès ; à l’accessibilité et à la réappropriation des traces. Comment les personnes en situation de handicap pourraient-elles donc aménager leur habitat numérique tout en garantissant une pleine participation sociale ?

Equipement, accès, accessibilité 

La convention relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006) reconnait les droits de ces personnes à avoir « pleinement accès aux équipements physiques, sociaux, économiques et culturels, à la santé et à l’éducation ainsi qu’à l’information et à la communication pour jouir pleinement de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ». Ainsi la notion d’accès est une condition essentielle à l’exercice des droits humains.

En positionnant la notion d’accès dans le domaine conceptuel de l’environnement pour mesurer son impact sur la participation sociale, Patrick Fougeyrollas et ses collègues (2015) ont présenté l’accès comme étant le croisement entre six dimensions et des composantes de l’environnement. Les dimensions sont les suivantes : la disponibilité ; l’accessibilité ; l’acceptabilité ; l’abordabilité ; l’utilisabilité et l’adaptabilité. Ainsi la question n’est pas réduite à l’accès à l’outil informatique, au fournisseur de réseau et à un accès filaire ou sans fil. Nous sommes devant une phase nécessitant une littératie numérique, un apprentissage et un savoir-faire, impératif à l’usage de la technologie et à l’administration des contenus.

Beaucoup d’études montrent des obstacles à l’accès ou un accès limité à la technologie numérique par des diverses populations dont les personnes en situation de handicap. Je cite une récente étude intitulée :

« Perspectives des jeunes adultes sur la réception des services de télépsychiatrie dans un programme d’intervention précoce en milieu urbain pour le premier épisode psychotique : une étude d’enquête descriptive transversale » (Perspectives of Young Adults on Receiving Telepsychiatry Services in an Urban Early Intervention Program for First-Episode Psychosis: A Cross-Sectional, Descriptive Survey Study) publiée en mars 2020 par un groupe de chercheurs Montréalais (Canada). L’étude montre l’existence des connaissances limitées sur la télé-psychiatrie dans les services spécialisés pour le premier épisode psychotique, « malgré son potentiel pour améliorer l’accès aux services et l’engagement ». Elle souligne que plus de la moitié des participants (59%) « ont rarement ou jamais utilisé le chat vidéo traditionnel (par exemple Facetime) ». L’étude signale que « Malgré les obstacles rencontrés pour assister aux rendez-vous et exprimer leur réceptivité à l’égard de la télé-psychiatrie, les participants n’avaient pas accès à ces services ».

A l’ère où le numérique affecte les facteurs personnels, environnementaux et les habitudes de vie de chacun et de chacune, une pleine participation sociale des personnes en situation de handicap ainsi que de toute personne devrait interroger l’usage plutôt que l’accès. Qu’est ce qu’on peut faire avec et dans le numérique pour que notre présence ne soit pas limitée à une/des identités exploitées par les traqueurs de traces (gouvernements, entreprises, individus, etc.) ? Nous sommes en face d’un écosystème sociotechnique où l’usager est le centre et le cerveau, d’où l’importance, pour la personne en situation de handicap ainsi que pour toute autre personne, de réfléchir à des méthodes et à des manières pour développer le lien social, l’estime de soi, la maitrise de sa vie et de son temps, la qualité de vie, et pour construire des communautés en ligne. Comment penser les traces numériques dans une logique qui ne les renvoient plus à une identité mais à une aptitude à en gérer la communication ?

Le concept de la « fracture numérique » (manque d’accès à la technologie) pousse à croire que le problème de l’inclusion numérique serait résolu dès lors que des mesures parviendraient à « inclure » les groupes qui sont exclus. Le web est conçu de sorte qu’il fonctionne pour tous les internautes, quel que soit leur matériel, leur logiciel, leur langue, leur localisation ou leurs capacités.

Dans ce cas le web devrait être accessible à des personnes ayant diverses capacités auditives, motrices, visuelles et cognitives.

Selon le World Wide Web Consortium (W3C): 

« L’accessibilité du web signifie que les sites web, les outils et les technologies sont conçus et développés de façon à ce que les personnes handicapées puissent les utiliser ».

Plus précisément, les personnes peuvent : percevoir, comprendre, naviguer et interagir avec le web et y contribuer. L’accès aux terminaux et à Internet ainsi que l’aménagement de poste de travail en fonction du handicap ne sont pas suffisants pour avoir une participation sociale en réseau. Le numérique n’est pas qu’un enjeu technique et économique, mais participe à la construction d’un projet de société.

Mettant sa différence corporelle ou fonctionnelle de côté, la personne en situation de handicap peut s’impliquer dans des projets de production collaborative pour répondre à ses besoins (individuels et collectifs). Cette « forme de contribution » (collaborative) nous renvoie, selon Serge Proux (2014) à un univers de relations d’échanges horizontales, modestes, entre pairs où les contributeurs sont engagés dans :

« Un univers d’attentes normatives communément partagées. Il y a des valeurs partagées entre les contributeurs comme la liberté d’expression, la logique du don, la nécessité de la coopération ». 

Co-construire des mémoires

Comment fonctionner activement dans la société de la connaissance ? Comment faire émerger un nouveau « vivre-ensemble » ? La pandémie actuelle nous rappelle que nous sommes noyés dans l’information. Cette dernière est partout, fiable et fake, archivée et mal-documentée, multimédia. Si son accès est facile, son usage et sa transformation en connaissance ne sont pas évidents. Le numérique a chamboulé la notion de la réception. Le schéma émetteur-récepteur (connu en Sciences de l’information) ne s’applique plus sur l’information en réseau, au moins sur l’internaute-usager. Ce dernier n’est plus qu’un récepteur de l’information (comme c’était le cas avec les médias de masse), mais il la produit, il va la chercher, la partage, crée des réseaux, participe à des conversations et élabore des communautés. Aujourd’hui, nous nous intéressons à deux logiques parmi d’autres dans les usages numériques en période pandémique : la première est passive, reçoit/consomme l’information, la like et la partage (surtout sur les réseaux sociaux et les applications de chat, etc.). La deuxième, quant à elle produit/co-élabore l’information, la mémorise et la partage (sur des pages web, des plateformes de rédaction collaborative, des blogs, etc.). Le passage de la réception de l’information à sa production et son partage nécessite de penser le numérique non pas seulement comme un support et/ou un media, mais aussi comme un environnement à habiter et à améliorer. Ceci implique un développement de compétences numériques, mais surtout une vision d’une appropriation des traces numériques dans des environnements « intelligents », qui peuvent servir à nous former, à trouver et comprendre des informations et à analyser des situations ou processus. Dans notre nouveau monde (pandémique et post-pandémique), échanger ensemble autour d’un thème ou d’une problématique devient écrire ensemble et mémoriser. C’est de cette façon que les personnes en situation de handicap, ainsi que toutes autres personnes, s’approprient leurs traces numériques dans des structures architecturales qui autorisent des lectures-écritures attachées à l’instant, mais aussi extraites d’autres temporalités.

Construire ou co-construire un environnement numérique « intelligent » signifie élaborer une mémoire numérique, qui peut augmenter le pouvoir individuel, collectif et surtout l’action sur l’environnement pour le transformer quand c’est nécessaire.

Fin.

N.b: Traductions en anglais et en portugais suivront.

Bibliographie

– Cardon D. (2010). La Démocratie Internet, Promesses et limites, Seuil, Paris.

– Doueihi M. (2018). Le numérique, un nouveau processus civilisateur, Le Monde, 24 janvier 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/24/le-numerique-un-nouveau-processus-civilisateur_5246335_3232.html

– Doueihi M. (2011). Pour un humanisme numérique, Seuil, Paris.

– Fougeyrollas P., Boucher N., Fiset D., Grenier Y., Noreau L., Philibert M., Gascon H., Morales E., Charrier F. (2015). Handicap, environnement, participation sociale et droits humains : du concept d’accès à sa mesure. Revue Développement humain et changement social, avril 2015, p. 5-28.

– Lal Sh., Abdel-Baki A., Sujanani S., Bourbeau F., Sahed I., Whitehead J. (2020). Perspectives of Young Adults on Receiving Telepsychiatry Services in an Urban Early Intervention Program for First-Episode Psychosis: A Cross-Sectional, Descriptive Survey Study. Frontiers Psychiatry, 11:117, doi: 10.3389/fpsyt.2020.00117

– Lepalec A., Luxereau A., Marzouk Y. (1997). Entretien avec Françoise Héritier. Journal des anthropologues, n° 68-69, p. 21-33.

– Merzeau L. (2013). L’intelligence des traces. Intellectica, vol. 1, n° 59, p. 115-135.

– Newton T. (2008). (Norbert) Elias and Organization: Preface. Organization, 8(3), p. 459-465.

– Paillé S. (2017). La sociologie de Norbert Elias et « l’effondrement de la civilisation » en Allemagne. Cycles Sociologiques, vol. 1, n° 1, https://cycles-sociologiques.com/publications__trashed/sabrina-paille-la-sociologie-de-norbert-elias-et-leffondrement-de-la-civilisation-en-allemagne/

– Proulx S. (2014). Enjeux et paradoxes d’une économie de la contribution, dans La contribution en ligne : pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel, Presse de l’Université du Québec, Québec.

– Smith D. (2001). Organizations and Humiliation: Looking beyond Elias. Organization, vol. 8, n° 3, p. 537-560.


[1] Merzeau L. (2013). L’intelligence des traces. Intellectica, vol. 1, n° 59, p. 115-135.

[2] Doueihi M. (2018). Le numérique, un nouveau processus civilisateur, Le Monde, 24 janvier 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/24/le-numerique-un-nouveau-processus-civilisateur_5246335_3232.html

[3] Voir l’article de Jérôme Val sur France Inter « Coronavirus : a-t-on oublié les foyers de handicapés ? » publié le 15 avril 2020, https://www.franceinter.fr/coronavirus-a-t-on-oublie-les-foyers-d-handicapes.

Voir « L’alerte de 48 associations sur le sort des personnes handicapées, ‘oubliées de la pandémie’ de coronavirus » publié le 04 avril 2020, https://www.lejdd.fr/Societe/lalerte-de-48-associations-sur-le-sort-des-personnes-handicapees-oubliees-de-la-pandemie-de-coronavirus-3959794

Voir l’article d’Emely Lefrançois dans La presse « Personnes en situation de handicap : les milieux de vie dont on ne parle pas » publié le 20 avril 2020, https://www.lapresse.ca/debats/opinions/202004/19/01-5270046-personnes-en-situation-de-handicap-les-milieux-de-vie-dont-on-ne-parle-pas.php

Voir l’article de Autistics for Autistics Ontario intitulé “Intellectually disabled Canadians are dying in residential institutions: What’s happening & what can be done” publié le 17 avril 2020, https://a4aontario.com/2020/04/17/intellectually-disabled-canadians-are-dying-in-residential-institutions-whats-happening-what-can-be-done/

[4] Voir l’article de Vincent Olivier dans L’Express « Covid 19 : va-t-on « sacrifier » des malades en réanimation ? » publié le 12 mars 2020, https://blogs.lexpress.fr/le-boulot-recto-verso/2020/03/12/covid-19-va-t-on-sacrifier-des-malades-en-reanimation/

Voir l’article d’Eric Jozsef dans Libération « Covid-19 : la sélection des malades divise le corps médical italien » publié le 19 mars 2020, https://www.liberation.fr/planete/2020/03/19/la-selection-des-malades-divise-le-corps-medical-italien_1782400

[5] Smith D. (2001). Organizations and Humiliation: Looking beyond Elias. Organization, vol. 8, n° 3, p. 537-560.

Presentation on Inclusion at the Mosaic clubhouse

Do we still need today to speak about Inclusion?
Approaching this thematic in the digital era invites us to think/rethink the relationship between the individual and his environment. Digital traceability shows that our life habits are changing and traces produced (consciously and unintentionally) bare the main characteristics of our communication. This, in turn, begs us to redefine the notion of social participation (especially of the disabled and vulnerable) and to think about how we can use the internet to accomplish it.

Achieving our daily activities and roles in/via the internet requires building new individual-collective skills and working together to establish an inclusive environment.

We call for the use of digital traces to build online environments that help communities preserve digital cultural memories.

This presentation was held in Mosaic clubhouse in Brixton (London) on 23.08.2019.

To check the presentation: https://drive.google.com/open?id=1Gsxa9Ekv9-qTCJUwZeeRgXhmppNcXNN3

Da construção da identidade à construção da memória: quem constrói no ambiente digital?

Este texto apresenta o discurso de Dr. Hadi Saba Ayon (pesquisador na rede de pesquisa Francesa CDHET na Université Le Havre Normandie) no segundo Seminário Internacional de pesquisa em Design organizado pelo Departamento de Design na Universidade Federal de Brasília (UnB), 13-14 de Novembro de 2018 no Espaço cultural Renato Russo em Brasília.

A sua abordagem se inspira de e se apoia ao texto de Marcello Vitali-Rosati (Université de Montréal no Canadá; Twitter: @monterosato) intitulado “Pour une pensée préhumaine” (2018).

-As fotos são da Louise Merzeau (@lmerzeau)

-As ilustrações são da Laísa Rebelo (@laisarebelo)

Como situar o indivíduo no mundo contemporâneo? Podemos falar de mutação cultural, tecnológica, mas também antropológica que o digital está produzindo em nossas sociedades por meio da rastreabilidade e da memória? Podemos entender a comunicação como uma ultrapassagem da interação social ao rastro digital, de construção da identidade à construção da memória?

02

Pensar ou repensar o indivíduo em relação com seu mundo é questionar ou re-questionar o construtivismo (de século XX) que marcou trabalhos em várias áreas científicas- especialmente em antropologia, em comunicação, em antropologia da comunicação e em sociologia (referências de nossa reflexão hoje), e em particular duas Escolas americanas, aquelas de Chicago (interacionismo simbólico) e de Palo alto (construtivismo).

Pensar o indivíduo em relação com o digital é pensar a relação entre a calculabilidade e o pensamento. É interrogar o processo da rastreabilidade digital e suas consequências sobre a construção da sociedade, bem como sobre o humano, um “Homem-rastro” (Béatrice Galinon-Mélénec, 2011) , um produtor de rastros e ao mesmo tempo uma construção de rastros, o todo funcionando em um ciclo e em um continuum, fazendo sistema.

Calculabilidade e pensamento?

O rastro e a cultura digital foram objetos de trabalho e análise por diversas escolas e correntes recentes, em particular a Escola Francesa sobre o rastro (que reuni professores e pesquisadores de várias áreas e diferentes Universidades Francesas) e outras correntes canadenses em Humanidades Digitais (Digital Humanities), em particular na Universidade de Montréal e de Ottawa que estudaram os usos, as condições e os desafios dessa nova cultura, que o Pierre Lévy chama de “Cibercultura” (1997-1999).

Nesta apresentação, vou tentar pensar e debater com vocês (em breve, em menos de 20 min) duas noções, a identidade e a memória, em uma abordagem epistemológica, histórica e contemporânea, aquela de construtivismo e sua versão na era digital. De construtivismo até a teoria de Editorialização (sugerida pelo Marcello Vitali-Rosati e al.) vou questionar as novas formas e os novos processos de ter/fazer identidade (design) e memória.

03

Construtivismo

“Pode-se separar o pensamento e o ser?”, pergunta-se Marcello Vitali-Rosati em seu recente artigo intitulado “Pour une pensée préhumaine” (Por um pensamento pré-humano), apresentado na conferência “Repenser les humanités numériques/Re-thinking the Digital Humanities”-“Repensar as Humanidades Digitais” na Universidade de Montréal em Outubro de 2018.

O pensamento deveria ser necessariamente humano? O tempo que estamos vivendo, ele adiciona, nos empurra a fazer a pergunta novamente porque as mudanças técnicas que a caracterizam são baseadas na questão do humano e sua relação com o não-humano, o maquínico e a técnica.

Historicamente, o construtivismo vem da filosofia da ciência. Este campo de estudo procura, em particular, entender o que funda o conhecimento e, em particular, os critérios que fazem que uma atividade seja denominada científica. O construtivismo refere-se à uma abordagem baseada na construção do objeto/realidade pelo sujeito.

Segundo a teoria de Kant (que é às vezes estudada sob o termo da revolução copernicana), o conhecimento dos fenómenos resulta de uma construção realizada pelo sujeito. Mas Kant, nunca formulará a estratégia construtivista com clareza (Rockmore, 2007) .

Cada coisa pode ter suas próprias qualidades, independentemente de serem percebidas por um sujeito ou não? As qualidades podem ser primárias e secundárias. As primeiras são qualidades próprias, independentemente de serem percebidas por um sujeito ou não. As segundas dependem dos modos de percepção.

A distinção entre essas duas qualidades é criticada por Kant. Segundo ele, essa distinção é dogmática porque não pode ser demonstrada. Ele escreve no livro Prolegômenos – A Qualquer Metafísica Futura Que Possa Apresentar-Se Como Ciência (1865):

“Eu digo, ao contrário, que as coisas nos são dadas como externas a nós e ajustáveis aos nossos sentidos, mas que nada sabemos sobre o que elas podem ser em si mesmas, que só conhecemos seus fenómenos; isto é, as representações que fazem em nós quando afetam nossos sentidos”.

O construtivismo hegeliano é entendido como uma reação ao proposto por Kant. Hegel explora ainda a estratégia construtivista na Fenomenologia do Espírito. Em sua introdução, ele descreve como a identidade do sujeito e do objeto é construída. O conhecimento é transformado em verdade no ponto final, onde sujeito e objeto, aquele que sabe e o que sabemos, liberdade e necessidade se sobrepõem.

O “construtivismo hegeliano” monstra que o ser humano está sempre situado em um contexto social; que não há conhecimento a priori, mas apenas a posteriori, e que o conhecimento não é teórico no sentido kantiano, mas, pelo contrário, prático.

“O construtivismo hegeliano se resume a um processo de formular e testar teorias sucessivas, ou trabalhar hipóteses, submetendo-as à prova da experiência” (Rockmore, 2007).

De acordo com Hegel, nós não avaliamos nossas afirmações cognitivas absolutamente, nem abstrata nem teoricamente, nem mesmo no plano a priori, mas apenas no plano posterior.

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Interação social

É nesse sentido que o interacionismo simbólico entende o humano, como ator interagindo com seu ambiente. George Herbert Mead (figura de referência dessa corrente) distingue duas formas de interação: não-simbólica e simbólica. Os participantes de uma interação não-simbólica respondem diretamente às ações dos outros. Enquanto no segundo, as pessoas trocam indicações e símbolos, definem a situação e interpretam suas respectivas ações agindo com base no significado produzido por essa interpretação.

Assim, o comportamento individual não é completamente determinado nem completamente livre, é parte de um debate permanente que permite a inovação. A interação é a única medida de análise. Seguindo Mead, o Self é o resultado da relação de um indivíduo com seu ambiente social. O processo de experiência social não é psicológico, mas é realizado em “uma transação particular entre um organismo físico e seu ambiente social: a comunicação” (Bonicco-Donato, 2014) .

De acordo com Mead, o Self é uma construção social e pode funcionar como um objeto e agir como mediador, fornecendo estímulos para controlar a ação. O Self também pode funcionar como sujeito, a nossa singularidade reflexiva, frente à adoção de atitudes do “outro”.

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Construtivismo e realismo

O construtivismo faz parte de um debate que se opõe ao realismo. O objeto do confronto é como o conhecimento é adquirido e, em particular, o papel do pesquisador nesse processo.

O realismo supõe a existência de uma realidade objetiva independente do humano: os objetos de pesquisa são considerados independentes do observador e a influência que pode ter sobre seu objeto é ignorada. Se o objeto é verdadeiramente independente, então não há laço cognitivo que nos permita conhecê-lo. Neste caso, não se pode “credivelmente” afirmar conhecer um objeto independente, por exemplo, um objeto externo, tão fora da mente/do espírito.

Quanto ao construtivismo, ele propõe estudar uma construção social de objetos e fenômenos.

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Seguindo o realismo, temos um mundo que existe independentemente de nós, e que é totalmente inacessível para nós. Por outro lado, temos um mundo que existe apenas porque temos acesso a ele, mas isso não tem outra existência do que em nosso acesso a ele.

Isso significa que para acessar ao mundo, o mundo tem que existir antes de nos, e o nosso acesso vem depois? Para resolver esse paradoxo, certos idealistas, como George Berkeley, acharam uma explicação: o mundo é apenas o acesso ao mundo, acesso que seria o resultado de uma mediação original, eterna e primária. A mediação não seria um gesto feito pelo sujeito para acessar o mundo, mas uma dinâmica inscrita no próprio mundo.

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Digital

No ambiente digital, cada atividade produz/deixa rastro-s. Esses rastros são produzidos automaticamente (qualquer atividade conectada) e desaparecem à nossa visão e apreensão. São tratados em processos invisíveis que fogem do controle de usuários.

Homem/Mulher-rastro?

“É impossível não deixar rastros” escreve Louise Merzeau (2016) emprestando a famosa expressão da Escola de Palo alto “É impossível não comunicar” (não ter comportamento). Seguindo Alain Mille (2013), o rastro digital é constituído a partir de pegadas digitais deixadas (voluntariamente ou não) no ambiente informático durante os processos computacionais. Os rastros digitais não são mensagens. Eles são “unidades isoláveis, receptivas e calculáveis” (Roger T. Pédauque, 2006).

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Existem vários tipos de rastros (George, 2009; Merzeau, 2013):

              1. Os “rastros de navegação” (que automaticamente afirmam o que um usuário comenta, para onde ele está indo, como ele se comporta);
              2. os “rastros declarativos de perfil” (O que um usuário afirma de si mesmo);
              3. os “rastros ativos” (o que um usuário expressa, o que ele publica, o que ele edita, o que ele produz);
              4. os “rastros calculados” (que se refere ao que o próprio sistema calcula).

Nossos rastros?

O digital chegou a um estágio em que não é mais possível pensar no termo instrumentação, ferramenta, externalidade (…) uma quantidade incrível de objetos, gestos, atividades, incluindo o mais familiares e diários integram hoje uma parte do digital. Isso resulta em uma situação onde o digital não está mais restrito aos objetos identificados como tais, computadores, celulares, tabletes, etc., é cada vez mais em todos os lugares em nosso ambiente (Merzeau, 2016). De acordo com Milad Doueihi (2013), o digital é “um ecossistema dinâmico animado pela normatividade algorítmica e habitado por identidades polifônicas capazes de produzir comportamentos perturbadores”.

O conceito de Humanidades Digitais levanta a questão da definição do humano e sua relação com a tecnologia e as máquinas. Milad Doueihi propõe em 2011 a noção de HUMANISMO DIGITAL (Pour un humanisme numérique), porque o digital não pode ser considerado como um simples conjunto de ferramentas, mas é uma cultura em si que muda nossa relação com o mundo e, finalmente, o nosso modo de ser humanos.

Mas como podemos entender a rastreabilidade digital? Ela “não é uma camada documental que surgiria depois de uma atividade, mas a própria condição de sua execução” disse Louise Merzeau (2013). O Self “Meadiano” é progressivamente constituído no processo de atividade social; a identidade digital não é. Ela é uma coleção de rastros. São os algoritmos que constroem essa identidade via a indexação de rastros. A identidade calculada, de que fala Fanny George no trabalho intitulado “L’identité numérique dans le web 2.0” (2008), é produzida a partir de um processamento da identidade ativa (dando pelas atividades de usuário) pelo sistema. Nesse processo, a construção identitária se realiza fora do sujeito, de sua presença e de seu acesso ao objeto.

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O desafio da identidade digital hoje é que ela reúne o que se refere à nossa singularidade, nossa continuidade, nossos lugares de vida reais, mas ao mesmo tempo estamos no código, nos algoritmos, nas massas (de dados) que só podem ser processadas por máquinas e por modos de tratamento que servem para outras finalidades além de nossos fins pessoais.

Tratamentos maquínicos…

Estudar as redes sociais digitais nos leva para pensá-las como locais de armazenamento, disse Louise Merzeau. Nós enfatizamos a dimensão relacional ou comunicacional (industrial e de marketing), mas raramente pensamos nelas como locais de armazenamento.

Memória

Por muito tempo pensamos a memória em relação com o passado, como se for coisas que se acumulam ou se perdem, mas que estão por trás e que estão nas adegas, e que se acumulam em raios com poeira. A memória do humano é limitada, então ele deve inventar ajudas e próteses de memória para corrigir essa memória defeituosa. Acreditamos que para não esquecer, temos que memorizar. Tudo o que produzimos, escrevemos, arquivamos, serve para salvar e guardar pequenas parcelas que vão escapar por algum tempo ao esquecimento.

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No mundo digital, as ferramentas, os suportes e o ambiente produzem uma inversão “antropológica”: não é mais a memória que é o fundo, é o esquecimento (sua regulação) que exige esforço, investimento e atenção. A “memória” é presente, automática e caótica. Toda atividade deixa rastros, tudo é memorizado automaticamente, instantaneamente, muitas vezes sem ser desejado, sem ser conhecido e sem ser controlado. Como e porque fazer memória na era digital?

Memória digital?

Pensamos por algum tempo que essa memória (digital) automática realizaria o auto-arquivamento de nossa modernidade e que a Internet realizaria o mito memorial da biblioteca integral. Mas a rastreabilidade digital revela hoje o que é: uma anti-memória em favor de uma previsibilidade do comportamento. Convertidos em coleções de rastros que eles não controlam mais, tanto os indivíduos quanto os coletivos devem se reinventar com áreas comuns que carregam perspectivas/objetivos memoriais, heurísticos e políticos. No ambiente digital, preservar não significa fixar, mas duplicar, circular e reciclar. Mais de que restringir ou proteger seus dados, o usuário tem interesse em fazer um rastreamento, ou seja, inserir seus rastros digitais em uma comunidade, contexto e temporalidade. Fazer memória digital significa construir um projeto comum com objetivos e governança comuns. Essa construção se realiza entre dois: o humano e o não humano.

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Na Digital, existem indivíduos, comunidades e ambientes digitais que interagem e dão origem ao espaço digital. Mas há também um AMBIENTE que é o resultado dinâmico de um conjunto de interações entre diferentes forças. Essas interações surgem após indivíduos, comunidades e ambientes digitais.

As comunidades em rede?

A editorialização, noção sugerida pelo Marcello Vitali-Rosati, significa um conjunto de dispositivos técnicos e tecnológicos, de modo que as plataformas, a ergonomia, os gráficos, as palavras-chave, os links, os metadados e todas as atividades que permitem que um conteúdo seja produzido, formatado para um suporte digital e depois divulgado e acessível. Ela é um processo que está aberto no tempo e no espaço, porque o conteúdo não se limita a existir em uma plataforma, mas vive porque é divulgado e disseminado em múltiplas plataformas.

“A editorialização pode ser pensada como o conjunto de condições materiais de mediação que determinam a emergência de um mundo. Ela é um acesso ao mundo que é feito com o próprio mundo”, escreve Vitali-Rosati.

Da mesma maneira que eu penso um objeto ou um sujeito, o ambiente, ou os ambientes digitais pensam esse objeto ou esse sujeito. O acesso ao rastro digital é uma inscrição, material e concreta, e não é humano.

Quem constrói no ambiente digital? Pergunto mais uma vez porque as mudanças técnicas que caracterizam a nossa época são baseadas na questão do humano e de sua relação com o não-humano, ao maquínico e ao técnico.

Fim.